Les mollusques aquatiques : espèces en déficit de connaissances… et souvent menacées
Les mollusques sont des animaux invertébrés à corps mou et sont classés en 2 catégories : les gastéropodes (escargots) et les bivalves (moules). Ces derniers ont d’ailleurs un système de reproduction complexe, car ils dépendent d’un poisson-hôte pour le transport de leurs larves. Les juvéniles sont particulièrement sensibles à la pollution de l’eau car la diminution de la concentration en oxygène dissous entraine des mortalités. Ces deux groupes de mollusques sont très diversifiés, car on recense actuellement 80 000 espèces décrites dans le monde (dont environ 6 000 espèces d’eau douce). Dans le Grand Est, on recense 244 espèces de mollusques (30% de la malacofaune nationale).
Mais ce chiffre est sous-évalué car il s’agit d’un groupe mal connu. En raison d’un fort handicap de connaissance, il n’est pas possible d’évaluer le statut de conservation pour de nombreuses espèces malgré le fait que celles-ci soient fortement menacées.
Les grandes catégories de menaces sont principalement la pollution (rejets agricoles, forestiers, eaux usées), les modifications de débits des cours d’eau (barrages) et la présence d’espèces invasives (Corbicule asiatique).
La Grande cyclade et la Mulette épaisse, deux espèces sous haute protection dans le Parc national de forêts
La Grande cyclade (Sphaerium rivicola), une moule d’eau douce, est une espèce à enjeu majeur pour le Parc national de forêts. Très sensible à la pollution et à la Corbicule asiatique (une espèce exotique envahissante pour l’instant non-observée en Grand Est), elle est classée « en danger » à l’échelle française et dans le Grand Est et « Vulnérable » au niveau mondial.
La Mulette épaisse (Unio crassus), également une moule d’eau douce, est une espèce protégée en France et en Europe (Directive Habitat). Elle a été évaluée comme « Vulnérable » à l’échelle du Grand Est.
Grande cyclade (Sphaerium rivicola)
Mulette épaisse (Unio crassus)
C’est au regard de la vulnérabilité de ces deux espèces que le Parc national a développé un programme de conservation des espèces aquatiques. En effet, par sa localisation en tête des bassins hydrographiques, le Parc national porte une responsabilité sur la préservation des espèces de ces milieux. Pour nombre d’entre elles, la connaissance reste lacunaire, en particulier les mollusques bivalves.
Pour l’appuyer dans cette responsabilité, le Parc national de forêts porte un projet FEDER sur l’élaboration d’un programme de conservation des espèces de milieux aquatiques. Ce projet sur 3 ans se décline en 3 axes :
- Amélioration des connaissances
- Gestion, Préservation et Restauration des habitats
- Sensibilisation et communication
Le cout total du projet s’élève à 416 913,30€. Le Parc national de forêts bénéficie du soutien de l’Union européenne. Le montant de la subvention FEDER s’élève à 250 147,98€.
Après cet état des lieux, place à l’action !
Pour élaborer un plan d’actions, il est nécessaire de connaitre les espèces présentes sur le territoire. Pour ce faire, le Parc national de forêts a mené un travail d’inventaire, via un marché passé avec deux « malacologues » (spécialistes des mollusques). Pour mener des inventaires des bivalves dans les cours d’eau de Haute-Marne, Xavier Cucherat (Arion.Idé) et Lilian Léonard ont, aux côtés du Parc national, réalisé un inventaire de 40 tronçons de 100 m en août 2024.
Cet inventaire va permettre :
- L’amélioration de la connaissance sur le groupe taxonomique des mollusques aquatiques
- L’identification des espèces indicatrices de la qualité des cours d’eau
- La construction d’une base de données opérationnelles pour cartographier et suivre les espèces.
Les cours d’eau ont été découpés en tronçons de 100 m. Puis 40 tronçons ont été sélectionnés de manière aléatoire. Ensuite, une correction a été apportée pour tenir compte des possibilités d’accès : c’est ce qu’on appelle la « stratégie d’échantillonnage ». Cet échantillonnage a été stratifié par rapport aux caractéristiques hydro-morphologiques décrites sur le territoire.
Dans chacun de ces tronçons, les deux spécialistes ont utilisé un aquascope pour rechercher pendant 1h les moules visibles depuis la surface du sédiment. Afin d’avoir une idée de la structuration de la population, ils ont noté le nombre d’individus de chaque espèce et chaque individu a été mesuré.
Suite à ces prospections, les malacologues effectuent la saisie de leurs données et procèderont à des analyses qui permettront au Parc national de forêts d’identifier des actions de conservation.
Afin d’éviter toute contamination des cours d’eau par des pathogènes, les équipements (bottes, waders) ont été désinfectés au préalable.
Pour la préservation des espèces et des cours d’eau, le Parc national utilise une méthode non-invasive : l’ADNe
En complément des prospections visuelles, le Parc national de forêts expérimente une méthode non invasive basée sur la détection de l’ADN environnemental (ADNe). Ici, cette technique consiste à prélever une quantité d’eau suffisante permettant d’en extraire l’ADNe. Grâce à une pompe, l’eau passe par une capsule de filtration pendant 30 min. Le filtre permet de retenir l’ADN qui sera analysé par le laboratoire SPYGEN. Suite aux 30 minutes de filtration, du tampon de conservation est versé dans la capsule. Les échantillons sont ensuite transmis au laboratoire pour analyse.
Pour son étude, le Parc national de forêts a sélectionné 7 stations de prélèvement (2 réplicas -échantillons- par station soit 14 échantillons).
Après réception des échantillons, le laboratoire effectue une purification de l’ADN afin d’éliminer les végétaux et la matière organique contenue dans l’échantillon. L’ADN est ensuite extrait avant d’être amplifié à l’aide de la méthode PCR.
L’introduction d’amorces (courts fragments d’ADN) permet de délimiter le fragment d’ADN à amplifier (séquence du groupe taxonomique ciblé – ici les bivalves).
Après amplification des brins d’ADN ciblés grâce aux amorces, l’analyse se fait grâce à un séquenceur. Et les résultats sont comparés à une base de références génétiques. Cette analyse permet d’évaluer la présence ou l’absence des différents taxons du groupe étudié.
Actuellement, les analyses sont en cours. Le Parc national de forêts prendra connaissance des résultats de l’étude début 2025.