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Protéger les Petites chouettes de montagne

Comme leur nom l’indique, les Petites chouettes de montagne sont des rapaces nocturnes de petite taille qui se trouvent plutôt en altitude. Mais dans certaines régions, les forêts de plaines peuvent aussi les accueillir, et le Parc national de forêts renferme des forêts matures propices à leur présence.
La Chouette de Tengmalm et la Chevêchette d’Europe, sont deux Petites Chouettes de montagne qui bénéficient d’un projet porté par le Parc national de forêts et financé par le FEDER Bourgogne-Franche-Comté pour élaborer un programme de conservation.

 

Les Petites chouettes de montagne : espèces forestières sensibles et emblématiques

Les Petites chouettes de montagne regroupent deux espèces : la Chouette de Tengmalm ou Nyctale de Tengmalm (Aegolius funereus) et la Chevêchette d’Europe (Glaucidium passerinum). Parmi les rapaces nocturnes, elles font toutes les deux, partie de la famille des Strigidés et sont protégées à l’échelle nationale.

La Chouette de Tengmalm est une espèce nocturne boréale de boisements variés. Espèce d’altitude, on peut la trouver en plaine ou en plateau s’il y a des combes froides. Du haut de ses 25cm, la Chouette de Tengmalm a besoin d’un sous-bois dégagé pour la chasse, et de loges de pics noirs (ou de cavité naturelle) pour sa nidification.

Elle est présente dans les forêts sibériennes et forêts de l’Oural. On la retrouve au Nord de la taïga mais également dans la partie plus occidentale de l’Europe, mais plutôt en altitude. Environ 2000 couples nicheurs constituent l’effectif national, répartis dans les régions montagneuses mais aussi en plaine (plateau lorrain, Ardennes, Morvan…). En Bourgogne, la Chouette de Tengmalm a un statut de conservation très préoccupant puisqu’elle est classée comme « En danger critique » sur la liste rouge régionale.

L’espèce semble s’étendre vers le Sud-Ouest bien qu’un déclin soit constaté dans des régions où elle était nicheuse depuis les années 90 notamment en Bourgogne, en Haute-Marne, en Suisse. Sur le territoire du Parc national de forêts, la Chouette de Tengmalm était bien présente dans les années 1990, mais les observations se sont raréfiées à partir des années 2000 pour ne devenir qu’épisodiques. Sur la partie côte-d’orienne du Parc national, le dernier contact connu avec un mâle chanteur date de 2018. Aucune recherche approfondie n’a été mise en place depuis.

La Chevêchette d’Europe, quant-à-elle, est décrite comme un rapace nocturne, bien qu’elle soit surtout crépusculaire et diurne. C’est une espèce de vieilles forêts constituées de conifères ou d’essences mixtes et d’espaces plus clairsemés. Elle a besoin de cavités de pics, utilisés pour cacher sa nourriture et pour se reproduire.Présente surtout en altitude, elle affectionne aussi les fonds de vallon ou cuvettes. Elle pratique la chasse à l’affut et se nourrit essentiellement de micro-mammifères (mulots, campagnols) et de petits passereaux. Elle n’hésite pas à capturer les oisillons des autres espèces nichant dans les loges de pics, ce qui lui est rendu possible par sa petite taille. En effet, la Chevêchette d’Europe est le plus petit rapace nocturne d’Europe : elle n’excède pas 18 cm de hauteur et pèse moins de 100g.

La Chevêchette d’Europe, est répandue dans toute l’Eurasie. En France, on la retrouve dans la partie Est du pays exclusivement, mais la discrétion de l’espèce et les difficultés d’inventaires rendent l’estimation des effectifs compliqués. Il y a sûrement quelques centaines de couples dans le pays. En Bourgogne, le statut de conservation de la Chevêchette d’Europe n’est pas évalué.

Sur le territoire du Parc national de forêts, la Chevêchette d’Europe a déjà été contactée dans le massif du Châtillonnais, et elle était nicheuse dans la partie haut-marnaise du Parc natioanal dans les années 80-90. Mais il n’y a jamais eu de suivi exhaustif de l’espèce. Depuis plusieurs années, les découvertes de la Chevêchette d’Europe se multiplient en Haute-Marne et en Côte-d’Or. Un contact opportuniste a même eu lieu dans le coeur du Parc national en 2024, dans la partie Haut-Marnaise !

Les menaces pesant sur les Petites chouettes de montagne sont essentiellement liées à l’altération de leur habitat forestier par des aménagements intempestifs (ouverture de pistes, suppression des arbres à cavités) et parfois l'exploitation sylvicole (rajeunissement radical des peuplements forestiers). Pour ces raisons, le Parc national de forêts maintien une forte densité d’arbres « bio », ces arbres à micro-dendro-habitats. De manière plus générale, le changement climatique risque sérieusement de réduire l'aire de répartition de ces espèces à affinités boréales, que l’on retrouve surtout dans des microclimats froids en plaine.

Photo : PNfor
Photo : PNfor

Les Chevêchettes d’Europe n’ont pour le moment pas bénéficié de recherches approfondies sur le territoire du Parc national, alors que leur présence vient d’être confirmée. Les Chouettes de Tengmalm, autrefois nicheuses et suivies de près par l’ONF, ont perdu l’attention dont elles bénéficiaient à mesure de leur disparition progressive et mystérieuse dans les années 2000. Les informations actuelles sur ces deux espèces sont alors très lacunaires. De plus, les Petites chouettes de montagne figurent parmi les espèces sensibles établies par la charte du Parc national de forêts pour lesquelles les coupes de bois sont susceptibles d’être préjudiciables et ainsi soumises à une réglementation particulière en cas de présence d’un nid. Pour ces raisons, le Parc national de forêts a donc une responsabilité forte vis-à-vis de ces espèces.

Pour assumer cette responsabilité, le Parc national de forêts porte un projet spécifique financé par le fonds européen de développement régional (FEDER) porté par la région Bourgogne-Franche-Comté afin d’élaborer un programme de conservation de plusieurs espèces emblématiques dont les petites chouettes de montagne. Ce projet de trois ans se décline en trois axes :

  • Amélioration des connaissances
  • Gestion, Préservation et Restauration des habitats
  • Sensibilisation et communication

Concrètement le projet prévoit que pour chacune des espèces étudiées, une évaluation des pressions soient réalisée afin de mettre en place un plan d’actions approprié visant à réduire voire supprimer ces pressions.

Le coût total du projet s’élève à 376 165,15€. Le Parc national de forêts bénéficie du soutien de l’Union européenne. Le montant de la subvention FEDER s’élève à 225 699,09€. Le Fonds européen de développement régional (FEDER) est un fonds de la politique de cohésion économique, sociale et territoriale. Il vise à renforcer la cohésion économique et sociale dans l'Union européenne en corrigeant les déséquilibres entre ses régions. En France le FEDER permet notamment d’accompagner les transitions écologiques.

 

Après cet état des lieux, place à l'action !

Pour élaborer un plan d’actions, il est nécessaire de connaitre les espèces présentes sur le territoire. Pour ce faire, le Parc national de forêts va mener une opération de recherche des deux espèces de Petites chouettes de montagne, via une méthodologie de sélection des habitats favorables, et l’application d’un protocole d’inventaire national, consistant en des points d’écoute le long de parcours prédéfinis.

La zone d’étude a été limitée pour le moment au Châtillonnais, dans l’ancienne aire de présence de la Chouette de Tengmalm lorsqu’elle y était encore nicheuse.

Dans un premier temps, des zones de présence potentielle des deux espèces ont été déterminées via un travail d’analyse cartographique recoupant un certain nombre de critères favorables soit à l’une des espèces, soit à l’autre, soit aux deux, tels que l’âge et la structure des peuplements forestiers, mais aussi la présence de combes froides, ou encore la densité de loges de Pics répertoriées (cf tableau ci-dessous).

tableau

Suite à cela, une hiérarchisation cartographique des secteurs les plus intéressants pour ces espèces a pu être construite, et des parcours de prospection ont été identifiés dans les zones les plus favorables. Certains parcours ont également été placés dans des secteurs a priori peu favorables, mais sélectionnés malgré tout du fait de la présence historique avérée de reproduction de Chouettes de Tengmalm dans la zone dans les années 80-90.

carte

 

Différents observateurs seront mobilisés : des gardes moniteurs et autres agents de terrain du Parc national de forêts, mais aussi des agents issus de structures partenaires tels que les agents ONF impliqués au sein du réseau connaissance piloté par le Parc national, et des bénévoles dont certains de l’association La Choue.

Cet inventaire a pour objectif de vérifier l’éventuelle arrivée de la Chevêchette d’Europe colonisant peu à peu le territoire dans le Châtillonnais, et pourquoi pas la (re)découverte d’individus relictuels (ou de retour) de Chouettes de Tengmalm.

 

Mise en œuvre de la recherche

Entre fin février et avril 2025, les différents observateurs se répartiront en binôme sur les 18 parcours, ou transects prédéfinis. Chacun de ces transects est constitué de 5 points d’écoute espacés de 300m, et seront parcourus à la tombée de la nuit. Lors de ces parcours d’écoute, les observateurs seront, d’une part, attentifs à tout contact auditif spontané avec une Petites chouette de montagne, mais ils pourront en plus effectuer de la repasse, c’est-à-dire, employer une technique consistant à diffuser des enregistrements des sons produits par un oiseau afin d'obtenir une réaction (vocale, comportementale) de sa part. Cette pratique est particulièrement utile pour détecter des oiseaux discrets car cela peut provoquer un chant. La repasse est très encadrée : le volume est calibré en amont et la durée de diffusion très courte. Toutes les précautions sont prises afin d’éviter un éventuel dérangement de la faune sauvage. Ce type de protocole appliqué en Coeur de Parc national nécessite également une autorisation après avis favorable du le Conseil scientifique du Parc national de forêts.

En complément, des enregistreurs acoustiques seront placés dans des endroits stratégiques pour essayer de capter d’éventuels chants de Petites chouettes de montagne dans des zones non prospectées par les observateurs.

enregistreurs acoustiques

À gauche, un enregistreur capte les hululements des chouettes ; À droite, une enceinte diffuse les chants de repasse.

 

Et si des Petites chouettes de montagne sont découvertes ?

Ce travail de recherche de Petites chouettes de montagne devrait permettre de s’assurer de leur présence (ou non) sur le territoire du Parc national de forêts. Si leur présence est avérée, des actions de protection et de conservation seront mises en œuvre pour assurer leur réelle installation sur le territoire. Ces actions consisteraient essentiellement à maintenir les arbres à cavités (en particulier de Pics) et favoriser les peuplements forestiers âgés et la trame de naturalité. D’un point de vue réglementaire, les Petites Chouettes de montagne sont inscrites dans la charte du Parc national de forêts comme étant des espèces sensibles pour lesquelles les coupes de bois sont susceptibles d’être préjudiciables et ainsi soumises à une réglementation particulière en cas de présence d’un nid, à l’instar de la Cigogne noire par exemple. En cas de (re)découverte des Petites chouettes, il conviendra alors également d’assurer leur tranquillité en période de nidification.

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